01/07/2019
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Seulement le tiers des grandes rivières de la planète coulent encore librement

Seulement le tiers des grandes rivières de la planète s'écoulent encore librement, révèle une nouvelle étude publiée par la prestigieuse revue Nature et à laquelle ont contribué des chercheurs de l'Université McGill. Le cours de toutes les autres a été modifié d'une manière ou d'une autre par l'activité humaine, notamment par la construction de barrages et de réservoirs. Les dernières rivières à courant libre se limitent surtout aux régions éloignées de l'Arctique et des bassins amazonien et congolais. "Il y a environ 250 de ces grandes rivières à travers le monde, ce qui n'est pas vraiment beaucoup, a dit Günther Grill, l'auteur principal de l'étude et un chercheur postdoctoral au département de géographie de l'Université McGill. Seulement 90 d'entre elles coulent toujours librement. Ces rivières sont très importantes, car elles fournissent des services que les autres rivières ne sont pas en mesure de fournir." Une équipe internationale de 34 chercheurs de McGill, du Fonds mondial pour la nature et d'autres institutions a examiné la connectivité de 12 millions de kilomètres de cours d'eau aux quatre coins du monde. Ils offrent ainsi ce qui serait la toute première évaluation mondiale du nombre et de la répartition géographique des dernières grandes rivières à courant libre de la planète. "Les écosystèmes des rivières accueillent une très grande biodiversité dans un espace très restreint et ils sont très sensibles à l'impact de l'activité humaine, a prévenu M. Grill. Nous avons découvert que le plus grand impact de l'activité humaine [...] provient de la construction d'infrastructures comme des barrages et des réservoirs [...] Cela diminue la connectivité naturelle des rivières avec la terre, l'atmosphère et l'eau souterraine." La question est loin d'être banale : environ 2 milliards de personnes puisent leur eau directement dans une rivière et environ 12 millions de tonnes de poissons sont tirées des rivières chaque année sur la planète, ce qui signifie que des dizaines de millions de personnes dépendent des protéines fournies par les rivières. C'est encore sans parler de l'agriculture. Les rivières fournissent des sédiments pour l'agriculture dans les plaines inondables et surtout dans les deltas, et la construction de barrages et de réservoirs interrompt essentiellement l'approvisionnement en sédiments. Cela entraîne alors la disparition des deltas, où environ 500 millions de personnes vivent de l'agriculture. "Ces rivières fournissent des écoservices essentiels aux humains et à l'environnement", a dit M. Grill. En outre, les chercheurs ont découvert que seulement 21 des 91 fleuves longs de 1 000 kilomètres ou plus qui, à l'origine, s'écoulaient vers l'océan, ont conservé cette connexion directe. On dénombre près de 60 000 grands barrages et des millions de barrages plus petits à l'échelle mondiale, et plus de 3 700 autres sont prévus ou en cours de construction. Un rapport récent fait état de quelque 70 millions de réservoirs.

L'étude, qui est le fruit de plus de 10 années de préparation et de collecte de données, révèle également que les changements climatiques accentuent la menace à la santé des rivières aux quatre coins du monde. La hausse des températures planétaires se répercute déjà sur les régimes d'écoulement, la qualité de l'eau et la biodiversité. En outre, la transition de nombreux pays vers des économies à faible émission de carbone accélère la planification et le développement de l'hydroélectricité. "Le développement de l'hydroélectricité est en pleine accélération depuis quelques décennies, a rappelé M. Grill. L'hydroélectricité est perçue comme une énergie propre qui produit moins d'émissions polluantes que les autres sources d'énergie. Toutefois, on oublie que ces barrages peuvent avoir un impact très négatif sur les écosystèmes." Il souligne ainsi que, dans les régions tropicales, la décomposition de la végétation engendrée par la formation d'un réservoir peut être une source de gaz à effet de serre. "On construit des barrages depuis des centaines d'années, a-t-il ajouté. On connaissait les grandes lignes de l'impact de l'activité humaine [mais nos travaux] fournissent maintenant un portrait beaucoup plus détaillé de la situation."

Radio-Canada